Alain Deneault, 2018
Alors que la pratique politique moderne voudrait que les sujets d’une collectivité obéissent aux lois, non aux puissants, on assiste à un renversement pervers. Ce sont les multinationales, aujourd’hui, qui soumettent la délibération des assemblées politiques à d’autres « lois », leurs lois, qu’elles s’assurent de rendre efficaces: la «loi» du marché, la «loi» de la concurrence, etc.
« Les portes tournantes tournoyant sans arrêt, il arrive aux autorités politiques de s’y perdre et de déléguer carrément un employé de Total pour représenter le pays au sein d’une instance des Nations unies, en l’occurrence spécialisée dans l’énergie et l’écologie. » « Cette même proximité peut être aussi l’occasion pour Total de compter sur le bras armé de la France quand vient le temps de sécuriser ses investissements à l’étranger. C’est après s’être rendu sur un site d’exploitation de Total au Nigeria que le premier ministre français, François Fillon, propose en 2009 à Abuja de lui apporter une assistance militaire, manifestement pour que soient protégées les concessions dans lesquelles Total possède des parts, en dépit de l’écocide en cours dans le delta du Niger. » « Le pervers est tellement à l’aise avec la loi, il l’a tellement modulée que si elle avait été faite pour lui, elle eût été la même. »
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Philosophe, Alain Deneault est l’auteur, chez Écosociété, de Noir Canada, Offshore, Paradis sous terre, Paradis fiscaux : la filière canadienne, Une escroquerie légalisée, et, chez Lux éditeur, de,Gouvernance, La Médiocratie et Politiques de l’extrême-centre. Directeur de programme au Collège international de philosophie à Paris, il a enseigné la théorie critique à l’Université de Montréal. |