L’âge et l’expérience sont trop peu valorisés dans nos milieux de travail au Québec. Cette culture de la performance, que l’on pourrait qualifier d’âgisme, tend à écarter les aînés, leurs valeurs et leur expérience. D’autant plus que leur ancienneté coûte cher aux yeux de certains gestionnaires avares de faire des économies. Pourtant, la main-d’œuvre des travailleurs expérimentés devrait être traitée avec beaucoup plus de respect. Or, en cette période de crise due à la pandémie COVID-19, jumelée à une pénurie de main-d’œuvre, les yeux se tournent désormais vers les aînés, avec le retour au travail des 60 à 69 ans. Mais à quel prix?
La marchandisation des 60 à 69 ans en pleine pandémie
Au début de la pandémie, la Santé publique établissait que la gravité du coronavirus était fortement corrélée à l’âge. Nous parlions alors des 60 ans et plus à qui ont retirait le droit de voir leurs petits-enfants pour les « protéger » contre la propagation.
Les choses ont bien changé depuis. Le gouvernement a changé son fusil d’épaule, observant les défis d’un déconfinement progressif, d’un retour à l’emploi et de l’ouverture des écoles et des garderies. En bas de 70 ans, les gens peuvent retourner travailler, sans risque important pour la santé selon nos décideurs. Tout un changement de cap!
Alors que les aînés de 60 à 69 devaient rentrer au boulot et s’occuper des enfants des autres, ils ne pouvaient pas voir leurs propres petits-enfants. C’est à croire que la contribution économique est plus importante que la contribution humaine d’une grand-mère envers ces propres petits-enfants. Maintenant, les grands-parents peuvent voir leurs petits-enfants, mais en suivant attentivement plusieurs restrictions et directives de la santé publique.
Prendre soin des travailleurs expérimentés : une autre leçon de la pandémie
À l’AREQ et à la CSQ, nous luttons activement à valoriser la contribution des aînés et l’expertise des travailleurs expérimentés. Il est dommage que, comme société, nous nous rendions compte de l’apport essentiel des 60 ans et plus uniquement lorsqu’une crise sans précédent frappe des secteurs clés de l’économie.
Parlons de ces secteurs essentiels durement touchés actuellement soit des services essentiels tels les services de santé, les services d’éducation et les services à la petite enfance ou l’apport des travailleuses et travailleurs plus âgés demeure important et soutenu à bout de bras par une majorité de femmes. Celles et ceux qu’on a négligés. Ces milieux où l’on dénonce des conditions déplorables depuis des années.
Que cela serve de leçon pour l’avenir, mais pour un avenir très proche. Le virus n’a pas d’âge ni de sexe, la compétence non plus. Il faut une fois pour toutes adapter nos milieux de travail dans le respect des travailleurs expérimentés, dans le but de valoriser leur rôle de mentors auprès des futures générations. Ces travailleuses et travailleurs ont tellement à apporter à la société en temps normal autant que dans un contexte exceptionnel de pandémie.
Le message devrait être entendu aussi par les entreprises qui mettent actuellement à pied leurs employés de plus de 70 ans, alors que plusieurs d’entre eux pouvaient travailler de la maison. C’est une gestion de ressources inhumaine.
Le respect doit se traduire par des conditions de travail dignes, par une lutte sérieuse contre l’âgisme et, dans la crise actuelle, par l’assurance de pouvoir travailler en toute sécurité.
Lise Lapointe, présidente de l’Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec (AREQ-CSQ)
Sonia Ethier, présidente de Centrale des syndicats du Québec (CSQ)