Pour une solidarité active des aînés et des retraités avec les jeunes

Les associations de retraités et d’aînés, telles que l’AREQ ou la FADOQ, ont comme mandat de promouvoir le bien-être de leurs membres. On sait que l’avenir de leur progéniture est au cœur des préoccupations des aînés. Puisqu’il s’agit de « la chair de leur chair », ils ont des relations privilégiées avec leurs enfants, leurs petits-enfants, voire leurs arrière-petits-enfants.

Les aînés et les retraités ne seront pas à l’abri des conséquences dévastatrices du réchauffement climatique sur l’ensemble de la société. Ce sera encore pire pour leurs descendants puisque ces derniers seront plongés dans la tourmente pendant toute leur vie. De façon stratégique, nos associations doivent « agir » plutôt que « réagir » face à l’urgence climatique.

Au Forum Économique Mondial de Davos de janvier 2019, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU),  Antonio Gutteres, lançait un appel du cœur lourd de conséquences :

« Je pense que le risque climatique est le risque systémique le plus important à court terme. Je crois que nous sommes en train de perdre la course. Le changement climatique est plus rapide que nous. Et nous faisons face à ce paradoxe : la réalité s’avère pire que ce que les scientifiques avaient prévu, et tous les derniers indicateurs le montrent. »[1]

Malheureusement, au-delà des engagements individuels d’aînés dans des comités de citoyens et citoyennes, quand entendons-nous des voix autorisées d’organisations d’aînés et de retraités dans le débat public sur les enjeux environnementaux?

Oui, il nous faudra continuer à prodiguer des conseils judicieux et nécessaires sur les moyens d’éviter les excès climatiques néfastes sur la santé qui ont été engendrés par le réchauffement climatique.

Mais rappelons-nous que ces épisodes de chaleur ne seront pas seulement plus fréquents, mais également de plus en plus intenses. De tels conseils sont de l’ordre de l’adaptation aux conditions climatiques et de la réaction. Voici quelques questions sur lesquelles pourraient se pencher des organisations d’aînés et de retraités en mode « action » plutôt que « réaction ».

Comment les rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) influencent-ils le plan d’action de nos organisations? On se rappellera que le GIEC nous met en garde depuis des décennies contre les conséquences extrêmes du réchauffement climatique (multiplication de la fréquence et de l’intensité des inondations, des périodes de sécheresse, des épisodes de chaleur extrême, des feux de forêt dévastateurs, de la détérioration accélérée des infrastructures, des déplacements de population et des conflits pour l’occupation du territoire, etc.).

Ce n’est pas être alarmiste que de rappeler ces faits. C’est la science qui le dit. Qu’est-ce que nous faisons pour mobiliser de façon proactive les aînés sur cet enjeu?

Beaucoup d’aînés vivent des fonds de pension publics et privés. Comment nos organisations se positionnent-elles vis-à-vis les investissements qui se maintiennent dans les entreprises à énergie fossile, nous transformant, par l’utilisation de nos épargnes, en complices de la détérioration des conditions de vie de nos enfants et de nos petits-enfants? D’autant plus qu’il est démontré que des investissements dans d’autres secteurs que les énergies fossiles sont souvent plus rentables et n’affectent nullement notre sécurité financière.

Notre santé psychique et physique peut-elle ne pas être altérée lorsque nos enfants et nos petits-enfants auront à subir les soubresauts du climat?

La destruction engendrée par les conséquences extrêmes du réchauffement du climat sollicitera de plus en plus d’investissements publics pour la réhabilitation des personnes et la reconstruction des biens. Cela ne risque-t-il pas de représenter autant de ressources qui ne seront plus disponibles pour permettre à l’État d’assumer ses responsabilités sociales telles que la santé, l’éducation et la culture?

Nos organisations ont sûrement quelque chose à dire sur le développement des transports en commun, l’aménagement du territoire, la transition vers une alimentation faisant plus de place aux protéines végétales, l’électrification des transports, etc.

La solidarité intergénérationnelle nécessaire à la qualité du vivre-ensemble et au meilleur partage des ressources n’a pas de prix. Mais elle peut s’avérer bien fragile. Quand les sautes d’humeur du climat affecteront la sécurité de nos enfants et de nos petits-enfants, ceux-ci seront en droit de se tourner vers nous et de nous rappeler ce que Greta Thunberg, cette adolescente suédoise de 16 ans, disait le 21 décembre dernier, à la COP 24 (24e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques) à Katowice, en Pologne :

« Vous n’êtes pas assez matures pour dire les choses comme elles sont. Même ce fardeau, vous le laissez à nous, les enfants… Notre biosphère est sacrifiée. Vous dites que vous aimez vos enfants par-dessus tout. Et pourtant, vous volez leur futur devant leurs yeux. »

Se peut-il que la violence incroyable des termes utilisés par ceux qui tentent de la discréditer et même de la détruire dans son intégrité physique et psychique soit à la mesure de la dimension exacte de ce cri du cœur : celui d’une génération entière qui demandera légitimement des comptes?

Nous, les aînés, n’avons pas à porter la responsabilité totale de l’état de la planète qui, particulièrement depuis deux cents ans, a vu son écosystème être détruit par l’activité humaine. Mais nous y avons contribué beaucoup plus que les efforts qu’il nous aurait fallu consentir pour arrêter cette destruction alors qu’il en était encore temps.

Reconnaître cette responsabilité n’a pas pour objectif d’alimenter un sentiment de culpabilité stérile. Cela s’avère un premier pas nécessaire pour nous amener à nous impliquer et pour faire en sorte que les jeunes sachent que les aînés sont à leur côté dans cette lutte pour une planète viable. Parce qu’il en va de l’intérêt de tous, cette lutte est aussi la nôtre. Et pour cela, nous souhaitons que nos organisations jouent un rôle actif.

[1] https://unfccc.int/fr/news/le-changement-climatique-est-la-plus-grande-menace-pour-l-economie-mondiale-selon-antonio-guterres

Par : Pierre Prud’homme, collaborateur et Gérard Montpetit, membre de l'AREQ

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